J14 - 11 février 2022 19h10
Il reste 665 milles
J14 - 11 février : commentaires de nos quadras
Bonjour Catherine,
vendredi 11 février
Le premier vrai plaisir de cette traversée : se retrouver sur le dernier (!?) grand bord vers la Martinique. Sous spi lourd et GV haute, nous filons SW 9-10 nœuds. Bon, il y aura de la finition en approchant, et probablement encore des empannages, mais c’est encourageant de faire route.
Les grains deviennent aussi plus fréquents, mais relativement peu actifs (en tous cas ce matin). On progresse vers le but, mais la mer reste compliquée. Quelques départs au lof, provoqués par les vagues, nous obligent à barrer beaucoup, et nous prenons par moment un ris dans la GV.
Côté culinaire, nous récoltons bien quelques poissons volants de bonne taille, mais la mer est encore trop inconfortable pour se lancer dans la gastronomie de l’exocet… En aurons-nous l’occasion d’ici la fin du parcours ? Nous l’espérons.
Voilà, mais on voudrait raconter nos journées d’alizé, mais, comme elles ne viennent pas, j’ai envie de raconter un souvenir. Avec deux amis, j’ai convoyé le JPK 1010 sur lequel nous naviguons actuellement depuis Saint-Malo jusqu’à Port-la-Forêt. C’était en octobre 2015. Il y avait peu de vent de prévu et nous avions calculé notre départ de la Cité Corsaire pour avoir le courant avec nous, surtout pour passer le Raz de Sein. Après une brève escale à Roscoff pour refaire du gasoil, nous laissons le phare du Four à notre gauche en fin d’après-midi, pour prendre le chenal qui conduit à la Mer d’Iroise. S’en suit une navigation assez paresseuse, parfois aidée au moteur, et la nuit tombe à peu près à mi-chemin entre le Goulet de Brest et le Raz de Sein.
Sur tout le parcours, nous avions été frappés, la nuit, par l’intensité des flashs lumineux provoqués par des méduses et la phosphorescence du plancton. Des nuits magnifiques, quasi sans lune ni nuages (je crois que c’est assez rare pour être souligné).
À proximité du Raz de sein, nos calculs de courant se sont avérés corrects, et nous passons au large de La Plate en observant notre vitesse GPS : nous passons brusquement de 6 nœuds à près de 15 nœuds, avec un bateau qui se dandine dans les turbulences du courant. Très drôle dans ces conditions, pour nous qui étions des novices complets.
Peu de temps après, mes deux amis ont ressenti le besoin d’aller se reposer – vous vous souvenez Jean-Philippe et Paul ? – et j’ai continué de veiller pendant que nous nous engagions dans la Baie d’Audierne, toujours fasciné par le light show qui régnait sous la carène. Je voyais des « palissades » de lumière derrière les deux safrans et la quille. Mais c’est alors que j’ai observé d’étranges « ombres » lumineuse tout autour du bateau. D’abord je ne saisissais pas bien, mais j’ai vite compris qu’il s’agissait de dauphins. J’ai appelé mes amis qui, blasés ou trop fatigués (?), m’ont laissé entendre qu’ils avaient déjà vu des dauphins… Les mots me manquaient pour décrire ce que je voyais : un cortège de fuseaux lumineux qui tournoyaient autour du bateau, lui-même « porté » par son propre triple sillon lumineux. Irréel. Ça a duré de longues minutes. Une éternité ! J’en ai pleuré d’émotion. C’est ce genre de privilège de la nature qui me fait aimer la mer au point d’en accepter toutes les « punitions » qu’elle est aussi capable de nous infliger.
Voilier MARIMAR IV, cagnard 243, 19h GMT ; position : 21°44 N ; 52°28 W